Pour son second long-métrage Un Début Prometteur,
Emma Luchini propose une (très) libre interprétation du roman éponyme et en
partie autobiographique de Nicolas Rey. Si le film a de quoi surprendre de
prime abord de par son traitement atypique, le résultat final est plutôt
réussi.
Le pitch:Martin, désabusé pour avoir tropaimé et trop vécu, retourne chez son père, un horticulteur romantique en fin decourse. Il y retrouve Gabriel, son jeune frère de 16 ans, exalté et idéaliste,qu’il va tenter de dégoûter de l’amour, sans relâche. Mais c’est sans compterMathilde, jeune femme flamboyante et joueuse, qui va bousculer tous leursrepères...
Et alors ?Un Début Prometteur fait partie de ces films qui nousemmènent à peu près partout sauf là où nous nous attendons, à commencer par un Fabrice Luchini en père de famille tendrementdéphasé, dans un rôle secondaire qui lui va comme un gant. Le jeu de Manu Payet, méconnaissable en ancien amoureux de l’amourdésormais blasé, la mystérieuse Veerle Baetens qui brillait déjà dans Alabama
Monroe ou encore le jeune et téméraire Zacharie Chasseriaud forment ici unredoutable trio d’anti-héros, que la vie brise, consume, unit ou sépare selonles moments. Il s’ensuit des scènes souvent touchantes, parfois surréalistesmême, et dont le goût marqué pour les mots et l’esprit d’à-propos fonctionne desuite, pour peu qu’on soit fascinée par la dérision et l’ironie.
Pourtant, embarquée dans ces drôles d’aventures sans en
avoir d’avantage d’explications (je prends un malin plaisir à aller voir les
films sans aucune information à leur sujet afin de les percevoir d’un œil
complètement neuf), je me suis vue perdre mes repères à de nombreuses reprises,
ne sachant plus vraiment où donner de la tête. Pourquoi en est-on arrivé là ?
Et comment ? Y a t-il une suite logique aux évènements ?
Ce n’est qu’après lecture du livre de Nicolas Rey et après
avoir écouté Emma Luchini parler de son long-métrage que j’ai compris que je ne
me posais pas les bonnes questions. Si l’exercice du roman offre la possibilité
de personnages multiples et d’histoires détaillées des uns et des autres, le
film, quant à lui, ne cherche pas à retracer la biographie de ses protagonistes ou à poser une histoire linéaire. Ni informatif, ni psychologique, il préfère
se détacher des conventions pour aller au-delà du réalisme. Bien sur,
c’est à la fois attirant et… perturbant ! Le spectateur, indécis, est
balloté au gré des scènes jusqu’à les vivre dans l’instant, état brut et
émotions sauvages, à l’image des différents héros. Mais lorsqu’Emma
Luchini évoque Un Début Prometteur comme une fable, tout devient
limpide : détresse et poésie se mêlent pour mieux exister ensemble et
faire perdurer une certaine légèreté au sein de la noirceur. Il n’y a plus de
« pourquoi » ni de « comment », mais simplement se laisser aller dans ce périple qui sait prendre suffisamment ses distances avec
le malheur pour mieux le traiter. Un procédé habile en somme, afin d’éviter
l’écueil d’une adaptation si fidèle au livre qu’elle en passerait à côté de
l’essentiel.
Il en résulte un ovni du cinéma français qu’il fait bon
voir, précisément car il se moque bien des codes et poursuit son étrange
chemin, de Paris à Giverny, en trépignant, bondissant et se heurtant face aux
à-coups de l’existence. Le personnage de Martin/Manu Payet, centre du trio, impose
son cynisme aigu avec cette « élégance du désespoir » que dépeint
Emma Luchini, le sourire aux lèvres. Une élégance qui, alors que l'énergie pourrait venir à manquer, porte le film jusqu’à
danser, chanter, rêver dans un regain de vie inespéré.
La bande-annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=ln9VQjff8WE
La reprise de la
chanson « Mes hommes » de Barbara interprétée par la charismatique
Mathilde/Veerle Baetens :
https://www.youtube.com/watch?v=MJg41VnMrJo
Un grand merci à Emma Luchini et Nicolas Rey pour leur
intervention, leurs points de vue sur le livre et le film et les anecdotes
attenantes aux deux, ainsi qu’à toute l’équipe Gaumont.
Et vous, irez-vous voir ce « début prometteur » au
cinéma ?