Au bout du monde, au bord des mers
Gaspé. Gespeg en langue micmaque : la fin des terres.Mes yeux sont rivés sur la surface du fleuve. Aux aguets. Je cherche un signe de leur présence, une tâche opaque et luisante, un jet humide, peut-être sonore. J'espère ainsi être la première à crier en pointant du doigt : "Là-bas, regardez !"
Les baleines se nourrissent du plancton des eaux du Saint-Laurent, avant de migrer vers les mers chaudes où elles se reproduisent l'hiver venu.
Ce n'est pas moi qui les aperçois en premier. Mais l'émotion n'en est en rien altérée. J'écarquille les yeux : à droite du bateau, à 9 heures exactement. Deux corps sombres glissent lentement hors de l'eau. Deux rorquals bleus, une mère et son petit. Les géants des mers expulsent l'eau dans un souffle puissant et sonore avant de replonger dans les profondeurs.
Le bateau poursuit sa quête. À trois heures cette fois, sur la droite. Une masse immense bondit de l'eau pour retomber massivement sur son flanc. L'acrobate des mers. Le rorqual à bosses. Il nous gratifie d'un enchaînement de figures. Et exhibe fièrement les deux pointes noires de sa queue avant de la rabattre violemment dans l'eau. Le spectacle est surréaliste.
Selon les Micmacs, la baleine est la gardienne des secrets de la Terre.