"Mon Bilou a 2 ans et demi, et il dit pas un mot. Mes copines me disent : "T'inquiètes, ton Bilou, il marchait à 9 mois et avait 20 dents à 18. Il ne peut pas être premier partout". J'te jure, je suis inquiète. Il a pourtant l'air malin. On dirait qu'il comprend tout. Qu'est-ce qu'il attend au juste ?"
Il rentre en maternelle cette année et quand il veut un truc, il montre du doigt en faisant "hei, hei, hei..."
L'AVIS DU PSY
Les enfants finissent toujours par parler, me rassure ma psy préférée* :"Une fois les raisons physiologiques mises de côté (surdité...), il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Les enfants les plus tardifs s'y mettent la première année de maternelle, entre 3 et 4 ans car ils réalisent les nombreux avantages à maîtriser la parole : se faire des copains, participer aux jeux en classe, trouver sa place dans le groupe... bref, s'insérer socialement."
Alors pourquoi tout ce temps ?
Certains parents attendent trop de leur enfant
Quand est-ce qu'une dent va pousser ? Quand va t-il marcher ? Et manger seul ? Et être "propre" ? Ne pas parler est une façon pour l'enfant de ne pas nourrir les attentes de ses parents. La parole, c'est l'oralité. La satisfaction, l'apaisement ressenti par le tout petit enfant passe par la bouche et donc par la mère, qui le nourrit, le câline...
Un enfant a parfois des retards de langage quand sa mère est trop présente, à l'inverse, pas assez.
Certaines mères ne donnent pas le droit à la parole à leur progéniture. "Tu as quel âge mon petit ?" demande la voisine dans l'ascenseur. "Il a 2 ans 1/2. Il s'appelle Victor" répond la mère à sa place. Parfois même, elle fait les questions-réponses : "Tu as froid ? Je vais te mettre un pull pour pas que tu aies froid. Parce qu'il fait pas chaud quand même. Il est tout doux ce pull, tu trouves pas ?"Dans ces cas un peu extrêmes, l'enfant a l'impression qu'on n'attend rien de lui donc il s'abstient de communiquer. Il préfère alors s'individualiser. En ne parlant pas, il coupe la fusion, ne fait pas comme ses parents ou ses frères et surs ce qui lui donne une impression d'exister.
Mais moi, je le laisse parler !
Ne pas parler peut être aussi une façon de "dire" : "Je ne veux pas grandir"Au même titre que la motricité, la propreté, manger seul... l'acquisition du langage est une des grandes étapes vers l'autonomie. S'abstenir de communiquer représente pour certains enfants une volonté de rester un petit être dépendant.
Il arrive aussi que l'enfant attende une maîtrise complète du langage avant de s'exprimerParce que, par nature, il est perfectionniste, certains enfants préfèrent ne pas s'exprimer que de risquer de mal parler. Ainsi, le jour où ils décident qu'ils sont prêts, ils passent en 24 heures des couinements et autres grognements à un langage courant. C'est stupéfiant !
Et pourquoi, la fille de ma voisine, elle "parle comme un livre" à 18 mois ?
Le plaisir se transmet dans les motsQuand la parole est très investie à la maison, que chacun a le droit de s'exprimer, que les parents aiment raconter des histoires, le plaisir se transmet dans les mots et incite l'enfant à répéter, à jouer avec le langage et donc à parler plus vite. Un enfant qui ne supporte pas la frustration va s'apercevoir que ses désirs peuvent être rapidement comblés s'il exprime avec des mots ce à quoi il veut accéder.Les mamans dont les enfants parlent tôt sont fières d'avoir établi un dialogue avec leur enfant. C'est une façon de se dire "on est de bons parents", voire "s'il est intelligent, nous aussi".
L'entourage doit cesser "d'alimenter" les "hei hei hei". Démonstration : - Qu'est-ce que tu me demandes la ? Du chocolat ?- Hei, répond l'enfant- Dis-le "cho-co-lat"- Hei- Je te sors le chocolat et tu fais l'effort de le prononcer. Tu sais le manger, alors tu peux le dire. Cho-co-lat.C'est important d'insister pour que l'enfant essaie de prononcer. Si l'entourage répond à toutes les requêtes de l'enfant sans qu'il ait besoin de s'exprimer, il n'y a aucune raison qu'il progresse.Quand l'enfant refuse catégoriquement de faire l'effort, il peut y avoir un blocage, avec la mère notamment. La meilleure solution consiste à consulter un spécialiste.
Cho-co-lat, cho-co-lat, cho-co-lat...
* article réalisé avec Karine de Leusse, psychothérapeute.