Parce que de plus en plus de femmes sont atteintes d'un cancer du sein, parce qu'elles affrontent avec dignité et courage cette épreuve, parce qu'elles restent belles dans la douleur, le photographe Gregor Podgorski a eu envie de leur rendre hommage. Interview.
Gregor Podgorski a choisi de photographier 100 femmes, après leur cancer du sein. Son objectif : réaliser une exposition itinérante, mais aussi faire un livre de photos, accompagnées de leurs témoignages. Il nous explique pourquoi.
Comment est né votre projet ?
Même si la recherche avance et si l'espérance de vie et la qualité de vie des femmes soignées augmentent, la traversée du désert pendant et après une maladie, comme le cancer du sein, constitue une épreuve terrible et souvent solitaire. Pas facile en effet pour une femme atteinte d'être touchée dans sa féminité et sa sensualité ! En général, nous avons souvent peur de l'inconnu, nous fermons souvent les yeux, nous nous détournons de la maladie. Il est pourtant difficile de ne pas se sentir concerné par le cancer du sein, qui touche 1 femme sur 8. Demain, notre mère, notre sur, notre meilleure amie... Mon projet est de photographier 100 femmes, après leur cancer du sein. J'en ai pour l'heure réunies 22. Ce travail entrepris depuis 1 an va être de longue haleine. Il me prendra peut-être 3 ans, mais je veux venir à bout pour leur rendre hommage. Selon moi, elles seules pouvaient témoigner. Aucun professionnel, aucune institution ne peuvent s'exprimer à leur place. C'est la raison de ce projet. Parler de la maladie ne m'intéressait pas, je voulais évoquer la vie.
Qui sont ces femmes ?
Elles ont entre 35 et 60 ans.
Elles ont toutes un point commun : cette même joie de vivre.
Quel que soit leur âge, ces femmes expriment leurs difficultés à vivre "l'après cancer", mais surtout cette folle envie de croquer pleinement la vie, de rire, de jouir... Elles sont bouleversantes, car elles se projettent dans la vie, parlent beaucoup plus d'avenir que les gens blasés. Pour elles, chaque moment est un cadeau !
Comment cela s'exprime sur les photos ?
Ces photos montrent la nudité dans toute sa splendeur. Comme autant de "pieds de nez" à la maladie ! La beauté s'impose, prévaut, comme pour dire à la maladie : je t'ai eue. La maladie et la mort laissent alors place à l'amour et l'humour. Une vraie leçon de vie. Car au travers les photos et les témoignages recueillis, se niche partout cette même envie de rire, de jouir ! Les sourires, leurs regards, les yeux qui brillent de ces femmes complices et bienveillantes, nous rappellent combien chaque jour, chaque moment est un bonheur à savourer pleinement.
Quel fut le moment le plus fort ?
Le moment le plus émouvant fut certainement lors de la 1ère pose avec Vallée, une très bonne amie. Il y a aussi des moments les plus encourageants : lorsque ces femmes m'appellent pour me donner leur feu vert.
Témoignage de Vallée, 42 ans, amie de Gregor et première femme à avoir posé pour lui
J'ai découvert les uvres de Gregor un peu par hasard chez un caviste où il exposait, et j'ai eu un vrai coup de cur pour son travail.
Je suis ensuite tombée malade. J'étais dans un état lamentable. Il a eu l'idée de ce projet "la rage de vivre", que j'ai tout de suite trouvé formidable. Son regard d'homme m'a sublimée, m'a valorisée et redonné confiance. Et pour moi, ce fut une vraie thérapie et un témoignage. Je voulais démystifier la maladie, dire que l'on peut s'en sortir, même si cette maladie touche l'essence même de la féminité. Lors de la pose, on a beaucoup ri. C'était une victoire sur la maladie. J'étais allée au bout de moi-même.
Plus d'informations sur www.gregor-podgorski.comPour participer à cette série de 100 témoignages, 06 60 48 12 34
Mélanie Sienne