L'entrée arrive : cappuccinochampêtre, crème à l'ail.
Caroline dégaine discrètement son appareil pour immortaliser l'assiette avant qu'il ne soit trop tard. Alors que je suis pratiquement à la fin, j'observe les réflexes de pro de mon interlocutrice : apparence, texture, température, alliance des saveurs, rien n'est laissé au hasard. Les papilles avisées de Caroline détectent la présence d'ail et d'échalote dans la chantilly qui surplombe la tasse, et la surprise provoquée par le chaud-froid de la crème et de la sauce aux champignons.
En attendant le plat, Caroline me raconte son parcours :
" Après un DEA d'histoire de l'art, j'ai décidé de faire de ma passion mon métier. Heureusement que je n'ai pas trop écouté ce que l'on me disait, j'aurais baissé les bras bien vite... Il est évident que cette voie n'est pas la plus évidente, mais avec du recul, je ne peux être qu'heureuse d'avoir persévéré.
Aujourd'hui, je pige pour plusieurs magazines et je suis l'auteur du blog " Table à découvert" (http://tableadecouvert.typepad.fr/), dans lequel je raconte mes aventures et coups de cur culinaires. Et je viens tout juste de sortir un livre, " Le guide des bonnes tables à Paris ", qui réunit mes meilleures adresses. "
Le plat arrive : Parmentier de canard et sa salade de mâche.
C'est simple, je n'ai jamais rien mangé de si bon. Caroline, elle, déguste, sans précipitation. Une fois la dernière bouchée avalée, je n'ai plus la place pour un brin d'estragon, et je comprends un peu tard l'intérêt de manger doucement.
" Il m'arrive de faire trois repas dans la journée, m'explique Caroline. Deux repas le midi, et un le soir, ou inversement. Et éventuellement une petite dégustation en boulangerie dans la matinée... Je ne te raconte pas la difficulté à finir le dernier dessert... Après, il me faut rédiger les articles : de baigner dans les mots de cuisine me donne l'impression de manger une quatrième fois, et tu comprendras pourquoi je n'ai pas franchement envie de cuisiner en rentrant chez moi... "
En tant que vraie passionnée de bonne choses, la mission de Caroline ne s'arrête pas aux tables des bons restos parisiens. " Je me suis retrouvée à faire un reportage dans des montagnes perdues, où j'ai rencontré un jeune couple qui avait décidé de tout plaquer pour devenir producteurs de fromage de brebis. C'est aussi cet aspect qui me plaît dans mon travail : passer d'un restaurant tendance à la découverte de passionnés dans des coins repliés de la France. "