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Quel avenir pour l’art du tatouage au Japon ?

Quel avenir pour l’art du tatouage au Japon ?

Au Japon, la mauvaise réputation du tatouage met en danger cet art pourtant traditionnel.

Si vous pensez voyager au Japon et que vous portez un tatouage, ne soyez pas surpris que l’accès à certains lieux vous soit refusé. Bains publics, piscines, onsens (sources chaudes) sont nombreux à réserver en effet leur entrée aux personnes non tatouées. A l’origine de cette restriction : le tabou du tatouage, pourtant pratique traditionnelle au Japon.

 

Le tatouage dans l’histoire japonaise

Il semblerait que la culture du tatouage remonte aux civilisations les plus anciennes, les hommes portant ainsi les marques de leur appartenance à un clan ou à une profession, les femmes celles de leur statut marital.

Mais dès l’ère Kofun (300-600 après JC), les japonais utilisent le tatouage pour marquer les criminels, coutume punitive qui remplace l’amputation du nez ou de l’oreille, comme c’était le cas jusqu’alors. Chaque infraction se sanctionne d’un cercle autour du bras ou d’un caractère sur le front. C’est ainsi que le tatouage commence à avoir des connotations négatives.

Durant la période Edo (1600-1868 après JC), cette coutume de châtiment se généralise, ce qui contraint à codifier les tatouages : d’une part, les motifs spécifiques aux malfaiteurs ; d’autre part, les motifs prestigieux destinés aux héros ou aux grands personnages. C’est l’ère du développement du tatouage décoratif, qui prend le nom d’irezumi. Et ce sont les artistes sur bois qui utilisent alors leurs techniques et leurs outils sur la peau humaine. On peut imaginer comme ça peut être douloureux ! Gouges et ciseaux dessinent des motifs qui couvrent tout le corps, le plus souvent des scènes héroïques où se mêlent éléments végétaux, animaux (comme le tigre ou la carpe) ou bêtes mythiques (comme le dragon). Chacun a une signification symbolique que le tatoué souhaite posséder : richesse, courage, fidélité, protection… On ne sait pas très bien qui, à cette époque, porte des tatouages. Mais il est certain que les prostituées ont utilisé cette parure pour être plus attrayantes et que c’est un moyen de protection spirituelle pour les pompiers.

Par la suite, le tatouage a été plus ou moins toléré selon les périodes. Successivement interdit, puis légalisé, le tatouage est devenu après la 2ème guerre mondiale le signe de reconnaissance des Yakusas, la terrible mafia japonaise. C’est ainsi que s’est définitivement ancrée la signification criminelle du tatouage dans la culture japonaise.

 

Et aujourd’hui ?

Le tatouage reste donc assez impopulaire. La jeune génération japonaise, influencée par l’occident, choisit des tatouages de petite taille, qui peuvent être réalisés rapidement et qui seront facilement camouflés. Car on propose parfois des bandages ou des sparadraps pour recouvrir les tatouages dans les lieux publics dont l’accès est habituellement restreint.

Le recours à l’irezumi traditionnel est assez rare, et les tatoueurs traditionnels évoluent dans un milieu plutôt confidentiel et marginal.

 

Le tatouage, une question politique

Entre 2012 et 2015, le maire d’Osaka, Toru Hashimoto, a déclaré la guerre au tatouage. Chaque employé de la mairie s’est vu contraint de remplir un questionnaire pour signaler si il possédait un tatouage, et si oui, son emplacement et sa taille. Les porteurs de tatouage ont même été enjoints de quitter leur poste si ils ne faisaient pas effacer leur tatouage.

Le port d’un tatouage complique aussi certaines démarches administratives. Ainsi, pour ouvrir un compte bancaire, il faut déclarer ne pas appartenir à la mafia. Un tatouage en serait plutôt un signe contraire, mal interprété.

Récemment, les affiches du célèbre dessin animé « Vaïana » ont été modifiées, afin de faire disparaître les tatouages du personnage Maui !

 

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Le tatoueur : artiste ou médecin ?

La loi japonaise impose un diplôme de médecine pour pouvoir pratiquer l’art du tatouage. Et pourtant la grande majorité des tatoueurs ne le possèdent pas et souhaitent plutôt être reconnus comme artistes !

C’est ainsi que le tatoueur Taiki Masuda s’est vu attaqué par la justice japonaise après une perquisition dans son salon. Mais, contrairement à bon nombre de ses collègues, Taiki Masuda a refusé de payer l’amende réclamée et a lancé la campagne « Save Tatooing » pour faire connaître et soutenir son combat. Son procès a débuté ce mois d’avril 2017. Le tatoueur espère gagner cette bataille qui lui permettrait d’apporter reconnaissance à sa profession et de lui offrir un cadre de travail plus clair. Car actuellement le secteur du tatouage n’est pas règlementé, il n’y a donc ni norme de sécurité et d’hygiène, ni licence de tatouage.

Dans le cas contraire, les tatoueurs deviendraient de véritables clandestins, comme en Corée où la pratique est interdite. Et on le sait bien, l’illégalité du tatouage ne le fera pas disparaître, et pourrait même dégrader les conditions dans lesquelles il serait réalisé. Quand ce ne serait pas l’occasion pour les meilleurs tatoueurs de quitter le Japon pour aller exercer leur art dans les pays européens plus accueillants…

 

Et l’avenir ?

En 2013, un onsen d’Hokkaido a refusé une jeune femme Maori qui avait un tatouage traditionnel sur le visage. Le pays avait alors été accusé de discrimination culturelle. Le Japon recevra les Jeux Olympiques de 2020, de nombreux athlètes et touristes tatoués seront reçus à cette occasion. Le monde du tatouage compte bien sur la proximité de cet événement majeur. Pour jouer en faveur du combat de Taiki Masuda, pour venir à bout des réticences culturelles et pour rendre à l’art du tatouage ses lettres de noblesse !

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